mardi 11 mai 2010

Dire non à son enfant





1)Pourquoi est-ce si difficile de dire non ?

-par crainte d’être moins aimé par son enfant :


il menace de ne plus aimer sa mère: c’est lui qui fait du chantage affectif et pas elle. Il cherche à provoquer une réaction chez elle pour l’infléchir. L’enfant réagit affectivement aux situations et donc aux interdits de ses parents. Il ne fait pas toujours la distinction entre l’acte et la personne qui le produit d’où la confusion entre la maman (« méchante ») et ce qu’elle fait (le frustrer en disant non). Or sa maman n’est ni gentille ni méchante quand elle dit non car elle n’en a pas l’intention. Elle énonce un interdit au contraire pour le bien de son enfant.

-par crainte que l’enfant se sentir incompris :


vous entendez bien le fait qu’il ne soit pas content mais cela ne change rien à votre décision. Comprendre ce qu’il ressent n’est pas lui donner raison. Séparer les sentiments éprouvés et son comportement lui permettra d’être de moins en moins dans l’affectif. Culpabiliser va rendre votre « non » moins solide : l’enfant sent que vous n’êtes plus très sure. Les repères doivent être fermes, définitifs et réguliers pour être structurants.

-pour éviter un conflit devant d’autres personnes :


la mère reste la même hors de la maison : votre autorité s’applique aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Votre assurance face aux autres renforcera votre force face à lui. Il a besoin de parents forts pour se construire à leur image. Si vous pouvez lui dire non face au monde extérieur, il vous sentira capable de le protéger face aux agressions. Il pourra alors dire non aux propositions mal intentionnées d’adultes qu’il ne connaît pas. Il comprendra qu’on ne subit plus les influences des autres en restant soi-même. Ainsi sa personnalité s’affirmera.

-par crainte de rompre le dialogue avec son enfant :

dire non à son enfant n’est pas une situation de dialogue puisqu’elle est à sens unique dans une relation dissymétrique adulte/enfant et non dans une relation égalitaire enfant/enfant.
Dire « non » c’est savoir ce qui est bon pour son enfant et lui signifier pour l’aider à grandir. La négociation n’a pas lieu d’être tant qu’il est jeune. Les règles sont élaborées et expliquées avant, avec lui. Pour le parent le moment du « non » n’est plus celui de la parole justificatrice. Au lieu de faire ce qu’on lui demande, l’enfant s’engouffrera dans cette parole à son tour pour gagner du temps alors qu’il a compris ce qu’on attendait de lui. Apprendre à respecter l’adulte, c’est lui permettre plus tard un vrai dialogue avec d’autres adultes, maîtresses, grands parents etc. Le respect de l’adulte c’est aussi le construire dans son statut d’enfant et lui donner envie de grandir pour devenir à son tour cet adulte qui « peut et sait ». En revanche, consacrer un temps régulier à l’enfant où il pourra s’exprimer, contribue à mettre en place un vrai dialogue, une écoute réciproque et une confiance entre l’enfant et ses parents.

-Par réaction à une éducation rigide reçue soi-même

le souci de ne pas reproduire les interdits nombreux d’une éducation reçue peut conduire à basculer dans une trop grande tolérance. Il faut faire confiance en sa capacité de discernement et le potentiel dont tout parent dispose pour être un bon père ou une bonne mère qui assume ses refus dans l’intérêt de l’enfant et de l’harmonie familiale. L’« enfant roi » n’est pas adapté à la vie en société ne fusse que la famille ou la classe. Les changements culturels issus de mai 68 ont instauré l’enfant comme « personne ». Mais ils ne parlaient pas d’enfant roi. Les psychologues comme Dolto ont bien précisé que pour devenir un véritable « sujet » actif, il fallait devenir autonome, se débrouiller dans la vie courante en se confrontant aux interdits. Si l’enfant réalise tous ses désirs, il n’est plus dans la réalité car ses parents la filtrent pour la rendre moins désagréable. Or apprendre la frustration est important pour devenir un adulte responsable de sa vie qui connaît ses limites et celles des autres.

-Quand on est fatigué, pressé par sa vie professionnelle ou familiale

Difficile de répéter « non » quand on aspire à la paix après le travail stressant de la journée ou les pleurs, les cris des frères et sœurs. Plus l’enfant connaîtra vos limites moins il aura besoin de s’y confronter souvent d’où l’intérêt de tenir bon dans ces moments difficiles. D’autre part il est peut être aussi fatigué lui même, donc probablement davantage sujet aux caprices. Réduire alors les tentations ou faciliter les situations en étant moins exigeant permet souvent d’éviter les conflits. En effet son « non » exprime davantage une fatigue, des difficultés pour se contenir qu’une réelle opposition. Dans ce cas, l’inciter dès que possible au repos évitera tout affrontement stérile. Plus il aura l’habitude de se confronter à la même règle, plus il lui sera facile de l’intégrer. Avec l’habitude, l’enfant respectera de plus en plus facilement les limites et interdits qu’il connaît bien .


2)Pourquoi dire non à son enfant ?

-les parents connaissent les besoins spécifiques de leur enfant

l’enfant ne connaît ou ne maîtrise pas encore ses besoins :
alimentaires, de sommeil, de calme, sa fatigabilité
son rythme de vie fonction de son développement,
ses fragilités personnelles comme ses points forts. Il oscille encore entre un fonctionnement dans la toute puissance et l’inhibition lorsqu’il ne sait pas encore ce qu’il peut faire.
L’enfant ne maîtrise pas les dangers et n’évalue pas encore bien les risques de son environnement comme de ses conduites.

-éviter la confusion des générations

Chacun est à sa place : les parents et l’enfant. Un rapport éventuel de copinage entre parents et enfants gomme la différence et n’incite pas l’enfant à grandir, à progresser. Il aura beaucoup de mal à se mettre dans une situation d’apprentissage où il lui faudra accepter de ne pas savoir. Il devra forcément adopter une position d’humilité par rapport à son maître qui lui délivre des connaissances et qui l’amène à remettre en question son savoir et son pouvoir. Pour avoir envie de grandir il faut déjà se sentir enfant et éprouver le besoin de changer de statut en quête d’autonomie. La fusion entre l’enfant et sa mère (plus rarement son père) empêche de grandir et de se construire une identité propre d’où l’absolue nécessité de garder une bonne distance entre les deux. Dire non à son enfant l’aide à se construire des limites entre lui et les autres en se différenciant de maman et de papa. L’enfant se construit une personnalité propre dans l’imitation mais aussi dans la différenciation avec les personnes qu’il aime.

Sécuriser l’enfant

Les règles rendent le monde prévisible. Les réactions des parents doivent être suffisamment régulières pour être comprises puis intégrées. Les mêmes effets produisant les mêmes causes , l’enfant peut anticiper si les règles lui ont été communiquées et expliquées au départ, les réactions des parents. La fiabilité du monde va donc dépendre de la régularité et de la constance des réponses des parents : « ce sera toujours non, pour les mêmes choses ». L’enfant prend progressivement confiance dans un monde dont les règles sont stables. Inversement un enfant devant lequel le parent cède, est insécurisé dès qu’il quitte le cocon familial où les règles sont plus contraignantes et surtout différentes.

-Apprendre la frustration et l’attente

La distinction entre le monde imaginaire et la réalité passe par la frustration. Il doit se rendre compte qu’il ne pourra pas toujours assouvir ses désirs et en tout cas pas tout de suite. Poser des limites l’aide aussi à construire la notion de temps notamment de futur. L’apprentissage demande des efforts, des frustrations car il se construit dans la durée : l’enfant aura besoin de temps pour apprendre à lire. Il doit différer, attendre pour entrer dans le savoir. D’autre part, il doit pouvoir séparer et rassembler dans un mouvement fluide pour manipuler l’assemblage syllabique nécessaire au décodage en lecture. Si son rapport avec sa mère est fusionnel, car elle ne peut lui opposer un non ferme, il n’est pas habitué à la séparation. Cette capacité affective est nécessaire pour que fonctionne la capacité cognitive équivalente. En lecture par exemple il ne pourra effectuer le va et vient entre la distinction des phonèmes et leur recomposition (il y a un b et un a et b et a ça fait ba) ou en mathématiques il aura du mal à comprendre et utiliser correctement le sens des opérations additives ou soustractives. La conscience des autres à travers les limites qu’ils posent permettent à l’enfant d’entrer dans le partage, l’échange, les dons autant d’opérations mathématiques.


3) Quand dire non ?

qui pose le non ?


le père joue un rôle séparateur dans la dyade mère/ enfant en posant les limites.
La cohérence éducative entre les deux parents est indispensable
La règle s’applique à l’enfant quel que soit l’adulte présent. Et c’est à lui de la faire respecter. Attendre le retour du parent absent pour dire « non » correspondrait à déléguer l’autorité à ce dernier et à la perdre pour soi : on gère le « non » dans le moment présent, c’est une réponse immédiate.


4) Comment dire non ?

Au départ, les limites sont fixées avec l’enfant voire expliquées en fonction de son âge. On les adapte à ce qu’il est capable de comprendre ou de faire, à ses besoins (sécurité, santé etc). Les limites s’accompagnent toujours de perspectives positives, c’est à dire de ce qu’il est autorisé à faire. On peut aussi prévoir les punitions s’il enfreint les règles, de préférence en rapport avec le thème des règles.
Sans crier, ni menacer l’enfant de punition, inutile d’expliquer à nouveau l’ordre, il suffit de le rappeler. Plus on est calme, plus on renvoie une image de détermination et de force.
Lorsqu’on se place face en l’enfant, yeux dans les yeux, à son niveau, ce dernier ne peut plus tenter de fuir en faisant . diversion, il mesure la détermination et la force de l’adulte à travers son regard. L’écoute et la disponibilité du parent accompagne ce « non ». D’autre part, cela permet de renvoyer à l’enfant l’image d’une personne affectivement positive qui ne rejette pas son fils mais l’acte (ou son absence).
Un ordre comme le « non » ne donnent pas lieu à négociation. Le « non » étant posé il ne faut plus revenir dessus et tenter un rapprochement affectif avec l’enfant (câlin, bisous) lorsqu’il cède enfin. La réaction du père ou de la mère répond au comportement d’opposition de l’enfant et mais ne remet pas en question ses sentiments à son égard. La réponse de l’adulte à l’enfant doit être la moins affective possible.


Lorsque le parent dit non il contribue à organiser la perception que l’enfant a de lui-même et du monde. Il l’initie au cadre social et culturel dans lequel il va progressivement évoluer.

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